Ce n’est plus un secret ! La Presse togolaise est un ‘’grand corps malade’’. Les différents débats menés sur les maux dont souffrent les médias du Togo ont diagnostiqué, il y a belle lurette, le mal qu’il faut soigner. En marge des journées portes ouvertes de la Presse Togolaise, Jean-Paul Agboh Ahouélété, président du conseil national des patrons de presse du Togo revient sur les défis de cette corporation qui, quelque fois, a-t-on envie de le dire, semble ignorer où sont ses réels intérêts!

Jean-Paul Agboh, président du CONAPP
Jean-Paul Agboh, président du CONAPP

C’est un discours qui est devenu redondant. Il faut faire le ménage au sein des médias au Togo. L’enjeu est de permettre aux journalistes d’évoluer dans un environnement emprunt de professionnalisme. Ceci dit, il faut, au Togo, faire en sorte que les journalistes exercent  leur métier, de manière à tirer la corporation vers le haut et par ricochet, à faire du journalisme un métier décent et viable.

Pour la troisième année consécutive, le conseil national des Patrons de Presse (CONAPP), à travers les journées portes ouvertes de la presse a de nouveau permis aux acteurs des médias de discuter de ces sujets. Si ces débats ont un intérêt, c’est parce qu’ils pourraient amener à hisser la Presse togolaise au premier rang en Afrique de l’Ouest, comme l’a souhaité le ministre de la communication Guy Madjé Lorenzo à l’ouverture de cette troisième édition.  C’est « un vœu réalisable. Mais il y a encore beaucoup d’étapes à franchir comme le professionnalisme, plus de ressources pour la presse et une meilleure restructuration pour une meilleure insertion dans le tissu socioéconomique », dira Jean-Paul Agboh, président du CONAPP.

Le même diagnostic

Dans l’opinion publique, les médias n’ont plus bonne presse. Ces détenteurs du quatrième pouvoir ont du plomb dans l’aile et ne décollent pas. Le patron du CONAPP est d’accord avec ce diagnostic et réaffirme que « le premier mal de cette Presse est le manque de sa professionnalisation ». Ce même constat a été dressé lors des Etats généraux de la Presse avec des recommandations rangées dans les tiroirs. Ce que fustigent Jean-Paul Agboh qui estime que, « aussi bien les gouvernants et les acteurs de la Presse doivent prendre leurs responsabilités face à cette situation ». Car, parmi ces recommandations, certains concernaient aussi les organisations de la Presse…

Or, « la division pèse beaucoup dans la bonne marche des choses. L’union fait la force et en étant divisé, vous ne pouvez pas peser sur les pouvoirs publics », reconnait Jean-Paul Agboh. Toutefois, le président du CONAPP pointe du doigt « la mauvaise volonté des pouvoirs publics qui doivent mettre en œuvre certaines des recommandations des Etats généraux».

Qui pour soigner la Presse Togolaise ?

Ce sont en premier les acteurs de la Presse qui ont la lourde responsabilité de soigner la corporation. Une Presse qui se porte bien, c’est avant tout dans l’intérêt de ces acteurs. Le défi d’une unité d’action est un impératif. Savoir défendre l’intérêt général et taire les égos sera vitale pour la viabilité du secteur. La multitude d’associations, d’organisations et même de ‘’clans’’ est un frein pour une amélioration des conditions de vie et de travail de la grande majorité des acteurs des médias.

Des reporters Togolais lors des JPO 2017 à Lomé
Des reporters Togolais lors des JPO 2016 à Lomé

Si ces pratiques pourraient servir la cause d’une minorité, elle est suicidaire pour une action collective qui porterait les intérêts de la Presse au Togo. C’est pour cela que Jean-Paul Agboh pouvait aussi inviter les médias à « passer d’une Presse de combat à une entreprise comme toute autre, une entreprise professionnelle avec des journalistes bien formés et bien payés… ». C’est à cette seule condition que la Presse peut être mieux insérer dans le tissu socio-économique. Dès lors, les médias auront accès à plus de ressources et la presse togolaise aura franchi un très grand pas dans la résolution des crises qu’elle connaît.

Et ensuite… ?

L’autre entité responsable de l’état actuel de la presse Togolaise, ce sont les pouvoirs publics. Au Togo, la Presse a longtemps servi d’arme politique. Jean-Paul Agboh n’en veut pour preuve que l’histoire même de la Presse au Togo. C’est une presse née à l’heure des combats politiques d’où d’ailleurs l’expression « Presse de combat » mentionnées plus haut. Mais depuis, les donnes ont changé et les médias sont appelés à être simplement au service du public. Emettre alors le vœu de voir cette Presse s’érigé au premier rang de la sous-région, c’est aussi accepter voir cette presse jouer son rôle en toute impartialité, sans aucune tentative de mise sous tutelle ou sans mentorat politique.

Est-ce à dire qu’au Togo, les organes de Presse ont souvent des couleurs politiques ? La question ne fera que sourire les acteurs eux-mêmes et les plus sincères devraient répondre oui !

Dès lors, l’évolution du secteur des médias est compromise. L’accès aux revenues conditionné par le seul critère de professionnalisme ; ce sera un autre grand pas franchi. Ce qui suppose que les médias eux-mêmes acceptent sortir de l’emprise des politiques et prendre leur propre envol. Ce que Jean-Paul Agboh insinue en disant : « il faudra que nous même –ndlr : parlant de la presse- nous faisons notre part ».

L’enjeu de tout cet exercice, c’est que pour la Presse Togolaise « demain soit meilleur qu’aujourd’hui », conclut le président du Conseil national des Patrons de Presse. Les Journées portes ouvertes de la Presse au Togo –refermées le 17 décembre 2016- peuvent être un cadre fédérateur pour une réflexion commune sur le bien-être des acteurs des médias au Togo. Vivre de son métier, s’il est impossible, conduit à des dérives. Lesquelles se répercutent sur toute une corporation et sur toute une société. Un fait encore plus réel lorsqu’il s’agit des médias. En clair, une presse bien portante est mille fois profitable qu’une presse affaiblie, corvéable à merci et aux ordres. Et ce ne sont pas les exemples qui manqueront pour le prouver !

Carlos TOBIAS